« Relais », vous dites ?

Posted on 12 novembre 201416 mars 2018Categories InterprétationTags ,

[Lees hier het origineel in het Nederlands.]

Aujourd’hui, je tenterai de clarifier un terme technique que les interprètes aiment utiliser : le relais.

En général, un relais s’impose dès qu’une réunion se tient en trois ou quatre langues. Je prends l’exemple de l’un des clients de Déesse. La langue principale du comité d’entreprise européen de ce client est l’anglais. Cela signifie que la plupart des présentations données par la direction à l’intention de la délégation du personnel, sont en anglais. Cette délégation comprend des collaborateurs de Belgique, de France, de Pologne, de République tchèque, d’Espagne et d’Allemagne. Au total, il faut donc interpréter vers six langues : néerlandais, français, polonais, tchèque, espagnol et allemand. En tout, douze interprètes. Compte tenu que la langue principale est l’anglais, je fais toujours intervenir des interprètes maîtrisant également activement l’anglais, autrement dit, des interprètes capables d’interpréter de leur langue maternelle vers l’anglais. L’anglais est alors considéré comme la langue de « retour ». Pour en savoir plus sur le retour, voyez l’article de blog à ce sujet. Ce qui nous intéresse maintenant, c’est le relais. Mais cela implique que nous avons besoin du retour. Pourquoi ?

Supposons que la délégation polonaise, à l’issue d’une présentation en anglais (qu’elle a donc pu comprendre grâce aux interprètes polonais), souhaite poser une question en polonais. Il est fort probable, par exemple, que les interprètes de la cabine espagnole ou française ne connaissent pas le polonais. Très peu d’interprètes parlent six langues, et encore faut-il qu’elles correspondent exactement aux langues de travail de la réunion. En réalité, c’est encore plus compliqué : au cours de cette mission spécifique, seuls mes interprètes polonais maîtrisent le polonais. Il n’en demeure pas moins que les clients flamands, français et allemands, ainsi que leurs autres collègues, s’attendent à une interprétation vers leur langue maternelle, quelles que soient les combinaisons de langues que mes interprètes puissent couvrir directement.

C’est exactement à ce moment que se produit toute la magie de l’interprétation, grâce à la langue de retour, l’anglais en l’occurrence. Les interprètes polonais traduisent alors le polonais en anglais tandis que les autres cabines n’écoutent pas les propos originaux en polonais, mais bien l’interprétation en anglais afin de la transposer dans leur langue maternelle, telle que l’espagnol ou le tchèque.

Si un Français prend la parole et que la cabine néerlandaise ne comprend pas le français, dans ce cas, les interprètes néerlandophones peuvent écouter l’interprétation (en tant que retour) de l’anglais émanant des collègues français et ainsi interpréter vers le néerlandais.

Tout cela paraît beaucoup plus difficile que ce n’est en réalité pour les interprètes. Dans la pratique, cela revient à mettre au point correctement les postes d’interprétation (les appareils équipés d’un microphone) dans les cabines. Chaque interprète se branche sur les langues qu’il comprend et qu’il peut écouter lorsqu’il ne comprend pas l’orateur. Si un orateur prend la parole dans une langue que l’interprète ne comprend pas, ce dernier peut, d’une simple pression sur un bouton, entendre les collègues qui traduisent dans une langue qu’il comprend bien.

Interpréter par le biais d’un relais comporte également certains inconvénients, tels que le décalage qui se voit doubler, mais ces inconvénients ne font pas le poids face aux avantages du relais.

Décalage lors de présentations PowerPoint

Posted on 15 octobre 201421 décembre 2016Categories Blog, Communication, InterprétationTags , , ,

[Lees hier de originele Nederlandse tekst]

Il y a quelque temps, je me référais sur ce blog à une petite vidéo de Hugh Laurie, dans laquelle il s’amuse à interpréter (de manière quasi consécutive) les propos d’une actrice, produisant ainsi inconsciemment un bel exemple d’un décalage variable. Le décalage est le délai de retard que l’interprète a par rapport à l’orateur. Ce retard est variable et dépend entre autres de la rapidité avec laquelle l’orateur parle, du degré de difficulté du texte et de l’aptitude mentale de l’interprète au moment de l’interprétation.

En principe, un orateur doit très peu tenir compte de ses interprètes, hormis lors de certains moments cruciaux de son allocution. Les fidèles lecteurs de mon blog savent ce que je pense des présentations PowerPoint, mais même si elles ont l’art de m’irriter, ces présentations demeurent incontournables. Une chose est sûre :  lorsqu’un orateur passe trop rapidement d’une diapo à l’autre, le public, qui a besoin d’interprétation, manque une partie du message. Un de ces moments cruciaux, en conséquence, où il faut tenir compte de vos interprètes. À qui la faute ? Vous l’avez deviné : au décalage.

Il n’est pas rare que les conférenciers aient tendance, particulièrement en commentant  des graphiques et des tableaux, de se référer pour ainsi dire physiquement à leurs diapos. « Ici à droite », « au bas du graphique », commentent-ils alors. En soi, cela ne pose pas de problème. Sauf quand des interprètes sont impliqués. N’oubliez pas qu’un interprète a toujours un peu de retard par rapport à son orateur. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Un orateur finit de commenter sa diapo et passe directement à la suivante. Cet orateur doit réaliser qu’à ce moment, à cause du décalage, l’interprète parle encore de la diapo précédente. Si l’orateur termine de commenter une diapo en disant que « la courbe bleue à droite atteint brusquement des sommets », cela arrivera aux oreilles du public alors que celui-ci regarde déjà la diapo suivante. Une façon de communiquer qui n’est pas des plus élégantes. Parfois les interprètes peuvent y remédier et anticiper afin d’être en phase avec l’orateur, mais cela ne réussit pas toujours. Ce qui marche toujours en revanche, c’est quand l’orateur attend quelques secondes avant de passer à la diapo suivante.

Un bref moment d’arrêt à point nommé ne ruine pas le rythme de votre présentation. Au contraire : vos explications sont ventilées, le public peut respirer et assimiler vos derniers mots. Quelques secondes suffisent aux interprètes pour terminer soigneusement leur traduction et donnent à l’orateur le loisir de se concentrer avant de poursuivre. Que des avantages, en somme. Tout cela au bénéfice du public : n’est-ce pas ce qui importe ?

La localisation : le pire cauchemar de chaque programmeur

Posted on 7 août 201416 mars 2018Categories Blog, TraductionTags , , , ,

[L’article original a été publié en néerlandais le 7 août 2014.]

C’est un secret de Polichinelle que Déesse s’est lancée dans la traduction et le développement de logiciels. En effet, nous développons pour l’instant un logiciel qui permettra aux traducteurs et interprètes de gérer leurs projets et leur administration.  « Nous », c’est à dire ma collaboratrice, un programmeur professionnel et moi-même. À la base, le logiciel est développé en néerlandais, mais entre-temps nous préparons également le code en vue de sa localisation dans différentes autres langues.

La « localisation », ce terme tant détesté. Il n’est pas facile de localiser du logiciel. Chaque langue ne commence pas à gauche pour aller à droite. Certaines langues sont plus concises que d’autres. Surtout quand le code original est écrit pour l’anglais, les boutons et les zones de texte sont souvent trop petits pour le traducteur français. Les programmeurs connaissent beaucoup de langues (PHP, JavaScript, CSS, et cetera), mais pas les mêmes langues que les traducteurs ; de plus, ils ne peuvent pas tout savoir ni tout connaître. D’habitude, ils rafistolent leur code au fur et à mesure que les traducteurs envoient leurs remarques. Un travail de Sisyphe.

Computerphile est un canal YouTube montrant des vidéos  informatiques. Il y a quelques jours, Computerphile a publié une vidéo sur la localisation de logiciels, vue de la perspective d’un programmeur. Une vidéo drôle et instructive à la fois.

Internationalis(z)ing Code – Computerphile

C.V. LinkedIn

Posted on 18 juin 201416 mars 2018Categories Blog, Commercial, CommunicationTags , , ,

La version néerlandaise a été publiée le 18 juin 2014.

Il y a quelque temps j’ai consacré sur la partie néerlandaise de mon blog un article aux escrocs qui volent les C.V. de vrais traducteurs, qu’ils adaptent avec leurs coordonnées afin de trouver du travail auprès des agences.

Quand j’ai travaillé récemment pour une agence espagnole, une idée m’est venue à l’esprit. J’esquisse la situation : j’ai été contacté pour une mission d’interprétation à Barcelone en dernière minute, les dernières minutes étant une tendance typiquement espagnole, me dit-on. Nous convenons d’un tarif, réservons les vols et l’hôtel, et hop, c’est parti. Lors de mon retour je devais toutefois encore régler quelques « affaires administratives ». Je n’en avais pas été prévenu à l’avance, mais bon, nous n’avions pas beaucoup de temps non plus. Si je voulais être payé, je devais faire deux choses :  signer et renvoyer par la poste un accord de confidentialité (NDA) et envoyer mon C.V. par e-mail. L’accord en soi ne m’a pas causé grand problème. Or, avant d’obtenir un bon de commande j’ai dû attendre jusqu’à ce que : 1/ j’aies reçu le NDA par la poste, 2/ je puisse renvoyer le NDA par la poste, 3/ l’agence ait reçu et traité le NDA. Quoi qu’il en soit, nous avons convenu que la lenteur de cette procédure ne retarderait pas le paiement (ce qui n’a pas été le cas, j’en remercie l’agence) et que moi, je ferais ce que l’on attendait de moi.

Par contre, l’histoire du C.V. m’importunait encore quelque peu. J’avais travaillé pour cette agence, le client final était satisfait, donc pourquoi avaient-ils besoin de mon C.V. a posteriori ? Apparemment, un C.V. était nécessaire pour être « intégré à leur système ». J’ai expliqué que je n’actualisais plus mon C.V. depuis plusieurs années. De temps en temps j’en rafistole un pour aider un collègue qui pose sa candidature pour un marché public, mais franchement, je n’en avais pas envie cette fois-ci. Or, l’agence voulait ab-so-lu-ment un C.V. Alors, qu’a fait votre dévoué serviteur ? J’ai ouvert un nouveau document Word et j’y ai collé le lien vers mon profil LinkedIn. Mon profil LinkedIn est à jour et j’y mentionne tout ce que je mettrais dans mon C.V.

Je me demandais ce que l’agence en penserait, mais je n’ai pas eu de réaction. Au contraire, après quelques jours, j’ai reçu un courriel avec mon numéro de bon de commande et j’ai été payé dans un délai raisonnable après avoir envoyé la facture (quoique les modalités de facturation n’étaient pas minces, mais ça, c’est une autre histoire).

Soudain, j’ai fait le lien avec les escrocs dont je parlais tout au début, qui écument l’Internet en quête de C.V. avec lesquels ils proposent leurs propres services aux agences de traduction. Ne mettez surtout pas votre document Word en ligne sur une plateforme telle que Proz.com. Un fichier Word est vite téléchargé à partir de tels sites (ce qui est d’ailleurs le but) et l’escroc peut facilement l’adapter à ses besoins : une autre adresse e-mail, un autre numéro de téléphone, etcétéra. Il est plus compliqué de voler un document PDF, mais je reçois quand même très régulièrement des « offres » d’escrocs avec des C.V. volés au format PDF.

Pourquoi ne référons-nous pas tous à notre profil LinkedIn ? N’oubliez pas que LinkedIn a été conçu comme base de données pour C.V. Bien qu’entre-temps le site se soit fortement développé, le C.V. en reste l’échine. Le texte de votre profil LinkedIn peut bien facilement être copié et collé, et donc, volé, mais je crois que cette démarche peut être dissuasive pour les escrocs. Comparez cela à un dispositif antivol pour la voiture. La voiture peut toujours être volée, mais si une voiture semblable se trouve tout près sans dispositif antivol, les voleurs seront moins enclins à voler la première.

Je connais personnellement des collègues dont le C.V. circule sur Internet. Si vous savez que les escrocs ne préserveront pas votre réputation, mais arnaqueront les agences en votre nom, vous feriez mieux d’éviter que votre C.V. ne termine dans de mauvaises mains. Ce tuyau n’offre aucune garantie, mais il crée selon moi une difficulté supplémentaire que les escrocs ne voudront peut-être pas surmonter.

Qui a peur de PowerPoint ?

Posted on 27 mai 201421 décembre 2016Categories Blog, Interprétation, TraductionTags

[Lire l’article original en néerlandais – Lire la traduction anglaise]

Cette introduction ressemble au début  d’un illustre conte de fées qui raconte l’histoire de porcelets et à vrai dire, c’est plus ou moins le cas. Souvent, les traducteurs ont affaire à des documents Word, mais de temps en temps des textes en format plus difficile se retrouvent sur leur bureau.  PowerPoint en est l’exemple par excellence, car les traducteurs doivent chipoter coup après coup pour arranger la mise en page de leur traduction. Le problème est d’autant plus important que PowerPoint est dénaturé. Je m’explique. PowerPoint est un support de soutien pendant les présentations. Une diapositive ne peut donc pas contenir trop de texte, sinon, le public lit tout simplement ce qui se trouve à l’écran, tandis que l’orateur s’emberlificote. Malheureusement, force est de constater que plus d’un orateur se cache consciemment derrière sa présentation et utilise PowerPoint pour écrire un manuel entier afin d’attirer l’attention du public sur la présentation et non pas sur lui-même. Côté traduction: si la diapositive est déjà remplie de fond en comble de texte et que vous traduisez par exemple du néerlandais vers le français, la diapositive se remplit automatiquement de plus de texte encore vu que le français a besoin de plus de mots que le néerlandais. Bonjour la remise en page. On peut rapetisser la fonte. Chercher des formulations plus concises. Nous avons tous déjà fait face à ce genre de problèmes.

La traduction de fichiers PowerPoint : méthode simplifiée

Peut-être devons-nous simplement changer d’approche pour ces présentations. Nous ne devons pas en vouloir aux traducteurs de ne pas y penser, car d’habitude, ils ne sont pas invités à la présentation même et en ignorent donc les circonstances. Les interprètes en revanche, pour qui les réunions et donc les présentations PowerPoint se succèdent, ont voix au chapitre. La solution est assez simple en fait, mais elle requiert une bonne dose de courage. Vu que PowerPoint a été conçu pour soutenir l’orateur, vous pouvez en être sûr que chaque diapositive sera clarifiée en long et en large. Du moins, c’en est le but. Les conséquences pour le traducteur ? Cela veut dire que vous pouvez formuler de manière plus concise, employer des ellipses ou des abréviations et dans le pire des cas omettre des choses pour lesquelles il ne reste plus de place. Comme mentionné ci-dessus, il vous faudra du courage, car cela est contraire à la nature du traducteur, qui a tendance à vouloir inclure à tout prix chaque nuance dans sa traduction. En effet, cela vaut pour les textes qui sont destinés à un public cible qui ne recevra pas de plus amples explications. Par contre, une présentation PowerPoint est assortie des explications de l’orateur. Donc pourquoi se soucier de chaque détail?

Changer la structure

Une autre solution, sous réserve, est en fait tout aussi simple. Que faire d’un texte continu dont les phrases sont très longues et complexes, ou presque illisibles ? Exact, vous scindez les phrases. Pourquoi ne pas faire la même chose avec les diapositives d’une présentation PowerPoint ? Insérer une nouvelle diapositive peut rendre la présentation tellement plus légère à digérer. À appliquer sous réserve, comme je viens de dire. Pourquoi ? Imaginez-vous que vous traduisez une présentation de l’anglais vers le français et que l’orateur de la présentation est anglophone. L’orateur doit savoir où se trouvent les différences structurelles dans la version française, car il est probable que cet orateur utilise la version anglaise et non pas la traduction française afin de pouvoir suivre  son propre récit. Au cas où il y aurait des différences avec la version projetée en français, vous risquez de le perturber. Un bon briefing s’impose donc. Il faut également tenir compte du fait que dans certaines réunions, les présentations sont projetées simultanément en deux langues. Une aubaine pour les interprètes, certes, mais un véritable cauchemar pour les clients qui pensent tout d’un coup que du texte manque ou qu’autre chose a mal tourné. Un bon briefing est également nécessaire dans ce cas-ci. N’oubliez pas que vous pouvez demander l’autorisation du client de changer le texte original pour assurer la concordance entre les deux textes. Le monde à l’envers peut-être, mais selon moi, cela vaut la peine de le demander.

La traduction de présentations PowerPoint demeurera une tâche ardue, surtout à cause du manque de contexte et des nombreuses images dont vous ne pouvez pas adapter le texte. Les traducteurs peuvent toutefois se faciliter la vie en réfléchissant davantage à l’usage du produit qu’ils préparent. Leur traduction ne doit pas nécessairement être « une traduction ». Cela évitera des soucis au client et des ulcères au traducteur.