Faut-il redorer le blason des traducteurs et des interprètes ?

Posted on 8 avril 201416 mars 2018Categories Blog, Commercial, Interprétation, TraductionTags , ,

Il y a quelques mois, Tom Van Cleempoel, Mick de Meyer et moi-même, en tant que fondateurs de GentVertaalt, étions réunis chez de Taalsector (vous savez bien, l’organisateur des Language Industry Awards) pour une interview. Un des sujets abordés était l’image du traducteur et de l’interprète lambda. Mandela venait tout juste d’être enterré.  De plus, au journal l’on parlait des tribunaux qui ont parfois recours au public pour l’interprétation. Le traducteur-interprète a une mauvaise image : grand temps donc d’en redorer le blason.

Réputation

Les traducteurs et interprètes n’ont pas toujours bonne réputation. Certains nous considèrent comme un mal nécessaire ou comme dernier recours quand le client n’a plus le temps de traduire soi-même. Certains traducteurs et interprètes sont bien évidemment eux-mêmes responsables de cette situation pénible. Mais bien souvent le client est en tort, car il souhaite tout simplement « une traduction » ou « un interprète » sans trop se soucier des détails. Naturellement, une traduction peut perdre sa pertinence sans contexte, étant donné que chaque traduction est différente. De même, certaines missions d’interprétation tombent à l’eau parce qu’un interprète n’a pas obtenu assez d’informations du client et est donc mal préparé.

Constats

Bien, outre toutes ces situations intolérables sur le marché qui alimentent cette perception négative, nous sommes obligés d’établir un autre constat. Si un traducteur ou un interprète fait bien son travail, il est discret. Lorsque son travail est de qualité douteuse, il se fait remarquer. Si tout va bien, personne ne pense à lui, alors que si les choses tournent mal, on parle de lui dans les médias. Souvenez-vous de la crise en Géorgie d’il y a quelques années. Le président français de l’époque avait négocié un accord entre les parties belligérantes, qui a quasiment capoté par une erreur de traduction. Et en effet, cette nouvelle a fait la une. Mais quand des lois sont adoptées au Parlement parce que les interprètes ont livré un bon travail, seuls les parlementaires ramassent les fleurs et les interprètes ne sont même pas mentionnés. Nous ne devons pas constamment nous trouver sous le feu des projecteurs, mais n’oublions pas que nous avons réellement contribué à l’adoption de cette loi.

Le traducteur en tant que mécanicien ?

Faites la comparaison avec le métier du mécanicien. Le mécanicien résout constamment des cas problématiques et a – bien sûr –  l’impression que sa marque est de qualité lamentable. Il oublie les milliers de voitures qui circulent sans problèmes, car elles ne passent pas par son garage. Les traducteurs et interprètes sont logés à la même enseigne. Chaque fois que l’on parle de nous dans les nouvelles, c’est parce qu’un traducteur ou interprète a causé des problèmes. Comment nous faire confiance quand on est uniquement confronté aux cas problématiques ?

Rien n’est moins vrai

Je traduis et interprète presque quotidiennement sans causer d’incidents. Je facilite des réunions plurilingues grâce auxquelles des personnes qui ne parlent pas la même langue peuvent tout de même signer des accords. Tout peut donc se dérouler sans aucun problème. Il faut tout simplement savoir à qui il faut faire confiance et être certain que le client contribue à de bonnes conditions de travail, par exemple en envoyant assez d’information à l’avance. Nous n’avons pas besoin de grand-chose pour bien faire notre travail. Donnez-nous un coup de pouce ; nous avons tellement à vous offrir.

La certification en tant qu’interprète social : simple comme bonjour ?

Posted on 17 février 201421 décembre 2016Categories Blog, InterprétationTags ,

Ces dernières années, l’on parle beaucoup de la traduction et de l’interprétation sociales. La traduction et l’interprétation sociales incluent par exemple la traduction et l’interprétation pour les hôpitaux et les écoles. Depuis un bon bout de temps, les autorités veulent professionnaliser ce secteur et ont confié cette tâche à la Centrale Ondersteuningscel (COC) de l’asbl Kruispunt Migratie-Integratie.

Le secteur a en effet besoin d’une bonne dose de professionnalisation. En tout cas, l’harmonisation d’entre autres les principes déontologiques a été très utile. Comparez cela à l’interprétation juridique (qui à part cela a peu à voir avec l’interprétation sociale). Durant les émissions de De Rechtbank, nous avons pu observer à plusieurs reprises des interprètes assistant à des interrogatoires et des séances du tribunal. Bien que chaque interprète ait sûrement fait de son mieux, la qualité de l’interprétation était extrêmement variable et surtout, chaque interprète appliquait sa propre technique, ses propres principes. Certains interprètes traduisaient avec zèle et fidélité, d’autres donnaient des explications supplémentaires, ce qui n’est pas leur devoir. Le même problème se pose dans le milieu de l’interprétation sociale. Chaque interprète veut aider le plus possible – pourquoi être interprète « social » sinon ? – mais il existe des limites à ne pas dépasser.

Depuis le début de la professionnalisation de l’interprétation sociale, l’on a planché sur le code déontologique et sur les examens de certification. Je suis moi-même régulièrement convoqué comme assesseur langue étrangère à l’occasion des épreuves organisées par la COC. Concrètement, cela veut dire qu’en compagnie d’un(e) collègue, j’apprécie les connaissances qu’a un candidat d’une langue « étrangère », comme le français ou l’espagnol, ainsi que la qualité de l’interprétation de ce candidat durant les jeux de rôle. Sans vouloir vendre la mèche, j’aimerais partager quelques réflexions.

Je voudrais préciser – et ceci est une boutade : que quelqu’un réussisse son examen ou non, peu m’importe. Je m’explique. Pour éviter des conflits d’intérêts, en ma qualité d’assesseur je ne peux pas être actif dans l’interprétation sociale. Les candidats ne sont donc pas mes concurrents. Un interprète social de plus ou de moins, ne m’apporte aucun bénéfice ni préjudice financier. Impossible d’être plus objectif que cela. Or, cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas stricts dans notre évaluation. Quand un candidat réussit, il peut être appelé à assister un médecin et son patient dans un hôpital pour l’un ou l’autre diagnostic dès le lendemain. L’interprète social n’a pas le droit à l’erreur. Il n’a que deux options : interpréter juste ou faux. Nous sommes donc plutôt sévères, car nous voulons nous assurer que les candidats mènent à bien chaque mission. C’est la réalité.

Cependant, beaucoup de candidats considèrent qu’un tel examen de certification est simple comme bonjour. Parfois je les comprends : nous évaluons de temps en temps des candidats qui travaillent déjà comme interprète social depuis dix ou quinze ans, et qui doivent soudainement passer un examen pour pouvoir continuer à travailler dans l’interprétation sociale. Ils pensent évidemment que tout ira comme sur des roulettes. Rien n’est moins vrai. Si vous n’osez pas vous remettre en question, vous risquez d’être déçu. Comme de nombreux candidats d’ailleurs. Je respecte ces personnes, mais si la prestation ne suffit pas, leur trajet s’arrête là. Par contre, j’ai moins de respect pour les divas parmi nous. On les connaît tous, ces étudiants qui viennent de terminer leur master ou leur postgraduat et qui pensent tout savoir. Il est vraiment triste de constater que souvent, ces candidats font fausse route pendant les jeux de rôles, sans le savoir. Le résultat : si nous évaluons quatre candidats par jour, souvent seul un réussit l’épreuve.

Et comment pourrait-il en être autrement? Les examens de certification ne sont pas faciles. Nous sommes exigeants – et à juste titre. Ne participez pas à un examen de certification sans vous être préparé à fond. D’innombrables candidats ne réussissent pas parce qu’ils ne respectent pas la déontologie. Pourtant c’est la partie facile : il suffit tout simplement de suivre les règles. Il faut les appliquer rigoureusement durant les interprétations. Sinon, l’histoire se termine là.

Souvent, nous avons affaire à des candidats qui prétendent bien connaître le néerlandais, leur langue maternelle, ainsi qu’une langue étrangère. D’habitude, ils réussissent ladite « épreuve de connaissances » – une épreuve assez simple qui nous permet de vérifier si le candidat atteint le niveau B2 sur l’échelle du CECRL. Entre parenthèses, le niveau B2 étant facilement atteint, l’écueil se situe généralement autre part. Mais bien sûr qu’ensuite nous voulons véritablement évaluer les capacités du candidat durant les jeux de rôle. Bien qu’artificiel, l’exercice est utile pour être intégral : la déontologie, les connaissances linguistiques et la technique d’interprétation y coïncident. Les jeux de rôle constituent dès lors souvent la pierre d’achoppement. Comme je l’ai dit ci-dessus, la déontologie n’est souvent pas respectée. Retour à la case départ. Durant un jeu de rôle, les connaissances linguistiques de l’interprète se trouvent sous pression parce qu’il doit faire plusieurs choses à la fois (écouter, transposer, parler, raisonner, appliquer la déontologie et j’en passe). Excusez-moi d’avance pour ce que je vais dire, mais certaines personnes racontent vraiment du charabia. Retour à la case départ. Ce qui me fait mal au cœur, c’est de refuser des candidats qui maitrisent la technique, mais qui débitent leur texte à tout berzingue comme s’ils étaient un robot. Il est capital de communiquer. Il est essentiel d’établir un lien avec les personnes pour lesquelles on interprète. Or, cela ne veut pas dire qu’il faut « donner un coup de main » à la conversation – d’ailleurs, un des principes déontologiques est de ne rien ajouter, omettre ni changer. Mais un interprète doit bien tenter de se mettre dans la peu de l’orateur pour rendre la conversation plus naturelle.

Une chose est claire : il ne faut pas sous-estimer les examens de certification de la COC. Non pas parce que nous aimons renvoyer des candidats, mais parce que nous voulons qu’ils livrent du bon travail selon les règles de l’art. Beaucoup de candidats sous-estiment un tel examen. Bien sûr que certains candidats sont doués ou même brillants et peuvent tout de suite être lâchés dans la nature. Mais il s’agit là d’une minorité. Dommage, vu tous les efforts de la COC de procurer toutes les informations nécessaires à une bonne préparation.

Déesse innove : l’interprétation à distance

Posted on 20 novembre 201219 janvier 2018Categories InterprétationTags , ,

[Lisez l’original en néerlandais ici.]

À la question : « Que doit faire une entreprise pour survivre ? », on vous répondra neuf fois sur dix : « innover ». Et ce n’est pas faux. L’innovation vous permet d’avoir une longueur d’avance sur vos concurrents ou de la conserver. Et bien, Déesse joue résolument la carte de l’innovation.

Il y a quelques semaines, j’ai été contacté par une organisation internationale. Une organisation qui à plusieurs reprises déjà s’était adressée à Déesse pour demander un devis pour interprètes, sans jamais en confirmer un seul. Le problème cette fois (pour le client en tout cas) était qu’il avait « oublié » les interprètes. Rien de nouveau sous le soleil : la première fois que quelqu’un m’a dit cela, je suis resté bouche bée, mais entre-temps je m’y suis habitué. Ça arrive. Dans ce cas précis, il s’agissait d’une mission avec trois langues dans l’un des salons du Parlement européen, sans cabines fixes et sans place pour installer des cabines mobiles. Déesse serait-elle à même de régler ce problème ? Quelques idées se sont rapidement succédé dans ma tête :

  • L’interprétation consécutive : pas question, parce qu’avec trois langues de travail, la réunion serait trois fois plus longue que prévue.
  • Le chuchotage : écarté d’un revers de manche, parce que, pour chaque langue, plus de deux personnes avaient besoin d’interprétation et de plus, il fallait un retour.
  • L’interprétation simultanée avec installation mobile : impossible, car il y avait trois langues de travail et donc constamment deux interprètes au travail, en plus de l’orateur, pour une audience d’environ septante personnes. Et Déesse a horreur des cacophonies.
  • Passer de trois à deux langues ou travailler avec des langues actives et passives constituait un choix viable pour l’interprétation, mais n’était pas une option pour le client, qui avait promis aux participants une interprétation à partir de et vers les trois langues.

Une autre solution me vint alors à l’esprit. Quelque chose d’innovant. Quelque chose qui avait été essayé à de nombreuses reprises, mais qui n’avait jamais été utilisé sur le terrain. Un système qui à la base avait été développé pour le recrutement local d’interprètes afin de réduire les frais de voyage au cas où la réunion serait organisée à un endroit lointain. Un concept pas tout à fait nouveau non plus, mais plutôt inconnu et dont le nom fait froid dans le dos – du moins – pour de nombreux interprètes : l’interprétation à distance. Pas comme un interprète social, le téléphone à la main. Non, la véritable interprétation à distance. Avec une réunion à un endroit A et des interprètes à un endroit B, à cent kilomètres de distance. Avec des cabines et des écrans. Après nous être brièvement concertés avec notre partenaire qui nous fournit le matériel d’interprétation, nous avons décidé que l’interprétation à distance constituait en effet la meilleure option. Contrairement à une autre agence concurrente, qui selon toute vraisemblance se contrebalançait de la qualité de l’interprétation, Déesse a continué à insister sur le fait que la « solution » avec une installation mobile coûterait cher, tandis que l’interprétation serait carrément mauvaise. Le client a compris la logique et a décidé de se lancer dans l’aventure avec Déesse. Le reste, c’est de l’histoire.

À la grande satisfaction de chacun des protagonistes, notre audace a porté ses fruits. L’interprétation était impeccable du premier au dernier orateur. Contrairement aux idées reçues, les conditions de travail des interprètes étaient confortables. En tout cas plus confortables qu’avec une valisette.

Bref : un client satisfait, des interprètes satisfaits, un fournisseur satisfait et donc Déesse satisfaite.

Le crowdsourcing mènera-t-il à l’extinction du traducteur ?

Posted on 17 janvier 201221 décembre 2016Categories TraductionTags ,

[Lisez l’article original en néerlandais]

Il y a quelques temps, Knack, un magazine de qualité flamand, a publié un article intéressant à propos de toutes sortes de sombres prédictions.  La plus connue est celle des Mayas qui prédisaient la fin du monde pour fin 2012.  Ce n’est pas demain que le ciel nous tombera sur la tête, mais alors que dans le secteur de la traduction presque tout le monde  est convaincu que la traduction automatique ne présente pas une grande menace pour le traducteur humain dans les prochaines années, un nouveau phénomène qui peut s’avérer malicieux fait son apparition. Un phénomène qui fait froid dans le dos, c’est-à-dire le crowdsourcing. Mais qu’est-ce au juste ? Le crowdsourcing vous permet d’engager la crowd, donc la grande masse, pour effectuer votre sourcing, donc tous vos approvisionnements. Le crowdsourcing de traductions implique que vous demandez aux internautes qui utilisent vos applications de traduire et de réviser vos applications et pages web. Adieu monsieur le traducteur isolé qui traduit pour gagner son pain. À présent  un traducteur se cache dans chacun de nous.  À condition que nous soyons assez cool bien sûr, car pour participer au crowdsourcing vous devez pleinement utiliser le web 2.0. Les sites tels que Facebook démontrent que le résultat est là. Alors, ce crowdsourcing : bénédiction ou malédiction ?